08/05/2008
Le chemin des écoliers...
Sur la côte d'Afrique le temps s'écoule très très lentement. Il faut parfois attendre plusieurs jours pour décharger 10 ou 20 tonnes de fret. Ce n'est plus de la navigation au long cours mais une ligne "omnibus" !
Beaucoup de bateaux en rade car bien souvent pas de port (Cotonou, Lomé...). Quelquefois un quai qui n'accepte que deux bateaux à la fois. Le débarquement s'effectue donc généralement sur des "plates" et il faut viser juste...
Le chargement des billes de bois qui pèsent plusieurs tonnes, est une opération dangereuse et il faut toute l'habileté des Kroumen pour les amener en cale ou sur le pont. Elles arrivent le long du bateau, tirées par un petit remorqueur.
Merci à René Le Guyader pour la photo.
Il y a des impondérables ; ce fut le cas de cette locomotive qui a terminé prématurément par 70 mètres de fond... Il avait fallu tout larguer car, avec le roulis, son retour à bord aurait été fatal à tout ce qui dépassait du pont !
Hormis quelques coups de vent (tornades tropicales), la météo est toujours belle, seule une forte houle fait inlassablement rouler le bateau bord sur bord ; ce traitement devient vite fatigant et explique peut-être pourquoi les marins ont quelquefois une démarche "chaloupée" !
Bord sur bord... un vrai métronome ! On ne marche pas sur les cloisons mais presque ...
Peu de trafic, beaucoup de lecture. Bien entendu j'écoute les bandes amateurs. Le cycle est au plus haut et j'enrage de ne pouvoir répondre à tous ces DX... J'ai fait une demande pour être autorisé en /MM. Il m'a été répondu - fort aimablement - que j'avais été embarqué pour du trafic professionnel et non des activités amateurs... Je crois surtout qu'ils craignaient que j'use le matériel !
La pêche donne lieu à compétition ! Beaucoup de beaux poissons mais attention, pas tous comestibles sans quelques précautions... Je me suis quelquefois demandé si notre cuistot (Dakarois) n'amplifiait pas un peu les risques car nos prises faisaient souvent le bonheur de ses camarades... Si tel fut le cas il a eu raison car l'inaction et la qualité des menus commençaient à se faire sentir ... et à se voir !
Le Commandant qui a, rappelez-vous, navigué en son temps comme radio, semble faire un "abcès de fixation" sur les microswitches du radar qu'il tient à vérifier, en ma compagnie, régulièrement. Malheureusement ces composants se trouvent dans l'antenne à 17 mètres au dessus du pont...
Non, je n'ai pas le vertige (quelle chance) mais je me sens très mal à l'aise à cette hauteur sur cette petite plate-forme, avec juste une barre de sécurité (?) dans les reins !
Parfois, comme il sait que la photo est mon autre violon d'Ingres, il m'emmène en balade... Bien que plus âgé que moi, c'est un marcheur infatigable et je peine... Je rêve souvent d'une bière bien fraîche ; hélas il a un gros défaut, il peut rester des heures sous le soleil sans boire. Je n'ai pas cette "qualité" !
J'ai oublié de vous dire que nous avions, à New-York, accueilli Fredo, alerte octogénaire, qui partait pour un tour du monde. Les cargos étaient en effet pourvus de quelques cabines pour passagers occasionnels. Un sacré bonhomme notre américain qui, au plus fort du récent coup de tabac, pipe au bec, bien campé sur ses deux jambes, m'avait demandé : "Alors, c'est pour quand cette tempête ?" Il ne plaisantait pas !
Fredo avait un fils, "gros ponte" d'une compagnie pétrolière. Dans la plupart des ports, un "comité d'accueil" de cette compagnie venait le prendre en charge pour lui faire apprécier les curiosités (touristiques et culinaires) locales. Notre passager avait néanmoins demandé au Pacha de lui adjoindre quelqu'un du bord pour l'accompagner. Devinez qui fut désigné ?
Le plus heureux après le chien bien entendu !
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01/05/2008
Retour au soleil
Escale impromptue aux îles du Cap Vert, plus précisément à Pedra de Lume (île de Sal) pour charger quelques tonnes de sel. L'endroit porte bien son nom. Un paysage désertique avec quelques rares buissons d'épineux ; pas d'arbres.
En descendant de la passerelle, je surprends un gosse d'une dizaine d'années raclant avec ses dents l'intérieur d'une peau de banane*, vraisemblablement trouvée dans la poubelle. Image de misère que je n'ai jamais pu effacer de ma mémoire. 50 ans après, le visage de ce môme m'apparaît encore régulièrement...
La récolte du sel... Pas vraiment paradisiaque cette île.
Dakar. En compagnie du 1er lieutenant, nous conduisons le Bosco à l'hôpital. Sa jambe n'est pas belle. Un administratif demande nom, prénom, adresse, date de ... Mon collègue, le plus gentil des hommes, voit rouge et en quelques mots explique que 8 jours sous morphine c'est beaucoup. Beaucoup trop. Poliment mais fermement. Le Bosco est rapidement pris en charge...
Suite à la tempête, les inspecteurs de la compagnie d'assurances sont présents à bord et ne peuvent que constater l'étendue des dégâts... Le matériel chargé aux USA (camions, ambulances, bloc opératoire...) est en grande partie hors d'état. J'ai eu longtemps une très belle poignée de réfrigérateur en guise de cendrier...
Le thermomètre affiche 35°. Il y a une dizaine de jours 20° en dessous de zéro ... Les microbes aiment la chaleur, la moitié du bord tousse !
Un détail curieux : les officiers du pont avaient une prime dite "de chaleur" mais pas les mécaniciens qui "vivaient" souvent avec 50° ! Mes séjours à la machine pour aller chercher de l'eau distillée nécessaire aux batteries étaient toujours très brefs... et je ne parle pas du bruit des 4000 cv en action !
A Sassandra (Côte d'Ivoire) nous embarquons 40 Kroumen qui vont être dockers et treuillistes durant le voyage. Il reste en effet à effectuer la partie interminable du voyage, à savoir la "descente" à Pointe Noire avec escales dans la plupart des ports puis la remontée sur Dakar, par le même itinéraire !
C'est la troisième partie de ce "triangulaire", guère apprécié des équipages... Un peu plus de 6 mois sans toucher l'Europe.
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*Il y a quelques jours, j'apprenais qu'en Haïti certains mangeaient des galettes de boue. On n'arrête pas le progrès.
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22/04/2008
Décembre 1958. Hiver Atlantique Nord
Hormis New-York, je ne garde pas de grands souvenirs, sinon du gigantisme américain décrit maintes et maintes fois - beaucoup mieux que moi - des escales sur la côte Est des Etats-Unis...
A New-York, le Daloa était amarré au fin fond de Brooklyn. Un matin, je présentais au chef docker quelques QSL de W2 en lui demandant de m'indiquer les stations les plus proches. Nanti du renseignement, je partais en taxi pour une course qui m'apparut interminable. Une quarantaine de kilomètres... Je n'ai rien regretté car la réception chez W2RA fut excellente. Jugeant mon anglais et son français par trop "réduits", il s'assura le concours d'une interprète qui resta plus de deux heures au fil pour assurer le bon déroulement du QSO !
La station était classique (kilowatt et antenne Yagi 3 éléments sur 20m) mais son téléviseur attira mon attention. Il ne permettait pas moins que la réception de 11 programmes dont deux en couleurs... Nous sommes en décembre 1958.
Au moment où j'écris ces lignes, je ne peux m'empêcher de repenser à l'arrivée (à grand fracas) de la couleur en France... en octobre 1967...
A Charleston (Caroline du Sud) je fus invité à visiter la station d'un navire japonais. Téléphonie ondes courtes, radiotéléimprimeurs, circuit de télévision interne... et bien entendu tous les équipements en double ! A la mer, trop fort n'a jamais manqué !
Au risque de passer pour un mal élevé, je n'ai pas proposé la visite de mon shack...
Pourtant nous n'étions pas si mal lotis. Les cargos d'une compagnie reliant l'Europe à l'Amérique du Sud n'étaient même pas équipés d'une station ondes courtes CW. Ecouler leur trafic au beau milieu de l'Atlantique sur 500 kHz étant impensable, les opérateurs avaient recours aux QSP (retransmissions gratuites) des copains compatissants. Pourtant un jour, et à juste raison, le Pacha m'a fait observer que si les aider était louable, cela ne contribuait pas à faire évoluer leur équipement...
24 Décembre. A New-York depuis 5 jours. Nous appareillons en fin d'après-midi pour Dakar. Un bateau à quai, à ne rien faire, le jour de Noël, coûte cher. Nous ne sommes pas en croisière...
La météo ne s'est pas trompée... C'est l'une des plus grosses tempêtes que j'ai subies, des creux de 15 mètres (un immeuble de 5 étages pour fixer les idées) ... Malade (comme le chien d'ailleurs) il faut néanmoins assurer le travail comme les autres.
Ce soir-là le Chef annoncera que la dinde a, comme nous, été malmenée et a fini dans la sciure près de la machine à éplucher les patates... Une omelette (j'adore) assurera l'intérim ! C'est Noël non ? On rigole, on s'amuse ...
A la passerelle cet appareil (inclinomètre) gradué de 0 à 45° ( après ce n'est plus nécessaire !) donne la valeur de la gîte du bateau. On m'affirma qu'il avait plusieurs fois "tutoyé" les 40°...
La nuit se passera cramponné au fauteuil à l'écoute du 500 kHz. Quatre ou cinq bateaux en détresse, dont un pétrolier de 200 mètres de long qui s'est cassé en deux près du Cap Cod.
Durant plusieurs jours les choses habituellement inertes ont changé de place, volé... à vive allure ! Tout ce qui n'était pas solidement "amarré" a choisi la liberté... Des plaques de tôle de 10 x 10 m ont cisaillé "comme dans du beurre" des piliers de cale (épontilles) et, plus grave encore, un fût de 100 litres d'huile est passé sur la jambe du Bosco (chef des matelots) ...
Et puis ça s'est calmé... Il ne pouvait en être autrement. Le bateau sinistré a poursuivi sa route.
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