25/05/2008
Avec les moyens du bord
Malgré de très bons moments à bord, ce n'est tout de même pas "la croisière s'amuse" tous les jours !
Si sur les cargos il n'y a qu'un radio, il n'y a ni docteur ni même un infirmier... Aux Chargeurs Réunis c'est le 1er Lieutenant qui fait office de médecin. Médecin "de papier" s'entend, avec des rudiments livresques appris à l'école.
A plusieurs jours de mer d'un port, mieux vaut se limiter à une angine ou un petit bobo !
Quand le cas apparaît grave, on consulte par radio (télégraphie ondes courtes), les services médicaux de Rome, lesquels questionnent puis délivrent un diagnostic ... à distance.
C'est dans ces cas graves, donc urgents, que le Radio se sent véritablement utile et responsable.
Un Pacha me dira un jour, après plusieurs heures de vacations radio : "Tout cela va coûter cher..."
Non, rassurez-vous Commandant, c'est un service gratuit ...
Si vous pensez que le souci du rentable date d'il y a peu, vous vous trompez !
Mon vieil ami Pelo avec qui j'ai navigué, m'a raconté qu'un jour, quelque part entre les Philippines et l'Australie, un matelot s'était ouvert fesse et cuisse sur près de 30 centimètres. Une belle estafilade bien profonde. Que faire sinon recoudre ? Avec quoi ? Avec les moyens du bord... du fil de pêche. Le cognac a fait office d'encouragement pour le patient et l'opérateur.
Quelques jours plus tard, à Sydney, mon ami accompagne le blessé à l'hôpital. "Quel est le c.. qui a fait cela, pourquoi n'êtes vous pas venus tout de suite ?"
"Le c... c'est moi" répondit mon collègue en rapportant les faits. Tête du toubib, un peu penaud... "Alors vous avez bien fait, vous l'avez sauvé..."
11:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
08/05/2008
Le chemin des écoliers...
Sur la côte d'Afrique le temps s'écoule très très lentement. Il faut parfois attendre plusieurs jours pour décharger 10 ou 20 tonnes de fret. Ce n'est plus de la navigation au long cours mais une ligne "omnibus" !
Beaucoup de bateaux en rade car bien souvent pas de port (Cotonou, Lomé...). Quelquefois un quai qui n'accepte que deux bateaux à la fois. Le débarquement s'effectue donc généralement sur des "plates" et il faut viser juste...
Le chargement des billes de bois qui pèsent plusieurs tonnes, est une opération dangereuse et il faut toute l'habileté des Kroumen pour les amener en cale ou sur le pont. Elles arrivent le long du bateau, tirées par un petit remorqueur.
Merci à René Le Guyader pour la photo.
Il y a des impondérables ; ce fut le cas de cette locomotive qui a terminé prématurément par 70 mètres de fond... Il avait fallu tout larguer car, avec le roulis, son retour à bord aurait été fatal à tout ce qui dépassait du pont !
Hormis quelques coups de vent (tornades tropicales), la météo est toujours belle, seule une forte houle fait inlassablement rouler le bateau bord sur bord ; ce traitement devient vite fatigant et explique peut-être pourquoi les marins ont quelquefois une démarche "chaloupée" !
Bord sur bord... un vrai métronome ! On ne marche pas sur les cloisons mais presque ...
Peu de trafic, beaucoup de lecture. Bien entendu j'écoute les bandes amateurs. Le cycle est au plus haut et j'enrage de ne pouvoir répondre à tous ces DX... J'ai fait une demande pour être autorisé en /MM. Il m'a été répondu - fort aimablement - que j'avais été embarqué pour du trafic professionnel et non des activités amateurs... Je crois surtout qu'ils craignaient que j'use le matériel !
La pêche donne lieu à compétition ! Beaucoup de beaux poissons mais attention, pas tous comestibles sans quelques précautions... Je me suis quelquefois demandé si notre cuistot (Dakarois) n'amplifiait pas un peu les risques car nos prises faisaient souvent le bonheur de ses camarades... Si tel fut le cas il a eu raison car l'inaction et la qualité des menus commençaient à se faire sentir ... et à se voir !
Le Commandant qui a, rappelez-vous, navigué en son temps comme radio, semble faire un "abcès de fixation" sur les microswitches du radar qu'il tient à vérifier, en ma compagnie, régulièrement. Malheureusement ces composants se trouvent dans l'antenne à 17 mètres au dessus du pont...
Non, je n'ai pas le vertige (quelle chance) mais je me sens très mal à l'aise à cette hauteur sur cette petite plate-forme, avec juste une barre de sécurité (?) dans les reins !
Parfois, comme il sait que la photo est mon autre violon d'Ingres, il m'emmène en balade... Bien que plus âgé que moi, c'est un marcheur infatigable et je peine... Je rêve souvent d'une bière bien fraîche ; hélas il a un gros défaut, il peut rester des heures sous le soleil sans boire. Je n'ai pas cette "qualité" !
J'ai oublié de vous dire que nous avions, à New-York, accueilli Fredo, alerte octogénaire, qui partait pour un tour du monde. Les cargos étaient en effet pourvus de quelques cabines pour passagers occasionnels. Un sacré bonhomme notre américain qui, au plus fort du récent coup de tabac, pipe au bec, bien campé sur ses deux jambes, m'avait demandé : "Alors, c'est pour quand cette tempête ?" Il ne plaisantait pas !
Fredo avait un fils, "gros ponte" d'une compagnie pétrolière. Dans la plupart des ports, un "comité d'accueil" de cette compagnie venait le prendre en charge pour lui faire apprécier les curiosités (touristiques et culinaires) locales. Notre passager avait néanmoins demandé au Pacha de lui adjoindre quelqu'un du bord pour l'accompagner. Devinez qui fut désigné ?
Le plus heureux après le chien bien entendu !
14:25 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/05/2008
Retour au soleil
Escale impromptue aux îles du Cap Vert, plus précisément à Pedra de Lume (île de Sal) pour charger quelques tonnes de sel. L'endroit porte bien son nom. Un paysage désertique avec quelques rares buissons d'épineux ; pas d'arbres.
En descendant de la passerelle, je surprends un gosse d'une dizaine d'années raclant avec ses dents l'intérieur d'une peau de banane*, vraisemblablement trouvée dans la poubelle. Image de misère que je n'ai jamais pu effacer de ma mémoire. 50 ans après, le visage de ce môme m'apparaît encore régulièrement...
La récolte du sel... Pas vraiment paradisiaque cette île.
Dakar. En compagnie du 1er lieutenant, nous conduisons le Bosco à l'hôpital. Sa jambe n'est pas belle. Un administratif demande nom, prénom, adresse, date de ... Mon collègue, le plus gentil des hommes, voit rouge et en quelques mots explique que 8 jours sous morphine c'est beaucoup. Beaucoup trop. Poliment mais fermement. Le Bosco est rapidement pris en charge...
Suite à la tempête, les inspecteurs de la compagnie d'assurances sont présents à bord et ne peuvent que constater l'étendue des dégâts... Le matériel chargé aux USA (camions, ambulances, bloc opératoire...) est en grande partie hors d'état. J'ai eu longtemps une très belle poignée de réfrigérateur en guise de cendrier...
Le thermomètre affiche 35°. Il y a une dizaine de jours 20° en dessous de zéro ... Les microbes aiment la chaleur, la moitié du bord tousse !
Un détail curieux : les officiers du pont avaient une prime dite "de chaleur" mais pas les mécaniciens qui "vivaient" souvent avec 50° ! Mes séjours à la machine pour aller chercher de l'eau distillée nécessaire aux batteries étaient toujours très brefs... et je ne parle pas du bruit des 4000 cv en action !
A Sassandra (Côte d'Ivoire) nous embarquons 40 Kroumen qui vont être dockers et treuillistes durant le voyage. Il reste en effet à effectuer la partie interminable du voyage, à savoir la "descente" à Pointe Noire avec escales dans la plupart des ports puis la remontée sur Dakar, par le même itinéraire !
C'est la troisième partie de ce "triangulaire", guère apprécié des équipages... Un peu plus de 6 mois sans toucher l'Europe.
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*Il y a quelques jours, j'apprenais qu'en Haïti certains mangeaient des galettes de boue. On n'arrête pas le progrès.
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